Souvenirs des membres – L’audacieux Dan

Le continent américain bénéficie d’un réseau de routes dont les bikers ne font que rêver. Mais il n’est pas toujours facile de se faufiler de l’une à l’autre. Dan Shell, un membre du H.O.G. britannique, a passé 2009 à découvrir qu’avec suffisamment de conviction, vous pouvez aller pratiquement n’importe où en Harley-Davidson®
Je suis tombé amoureux de Harley-Davidson® dès mon jeune âge. Je me souviens d’avoir eu la permission de m’asseoir sur cette énorme moto, devant Ed’s Diner, à King’s Road, et d’être vraiment intimidé. Mais j’ai dû attendre encore quelques années avant de pouvoir en faire. En 1993, je travaillais dans un bar des Caraïbes où j’étais devenu l’ami d’un Français plutôt excentrique. Il avait acheté une Harley et voulait qu’elle est davantage de kilomètres au compteur avant l’exporter vers la France. Il m’a demandé si je pourrais faire le tour de l’île pendant quelques mois avant que le concessionnaire ne puisse l’exporter. Inutile de dire que ça ne me dérangeait absolument pas !
Sous peu, j’ai acheté la mienne, une ’93 Sportster® 1200. Ensuite, j’ai eu Big Twin, Betty, une ’97 Springer®. Après sept ans de bonheur j’ai échangé Betty pour une Road King® Custom toute neuve qui, avec un peu de personnalisation, est la moto que j’utilise encore de nos jours.
J’ai roulé un peu partout en Europe et j’ai assisté à tous les rallyes européens du H.O.G.® depuis 1995, mais je voulais vraiment faire un voyage qui m’occuperait plus de trois jours. Je m’asseyais souvent dans le bureau du bar dont j’étais propriétaire à Londres et je rêvais de traverser des déserts, des montagnes et de rouler le long de plages de sable blanc.
C’est alors que j’ai découvert la route panaméricaine : 48 000 km entre l’Alaska et Terre de feu. Il y avait de tout. Mon rêve. Mon voyage. Mais ça allait prendre un an et tous mes amis de route avaient une famille ou d’autres engagements qui les empêcheraient de me rejoindre. J’allais devoir partir seul.
En l’espace d’un an, j’ai vendu mon bar et je suis retourné habiter chez mes parents pendant que je préparais le voyage. C’est alors que j’ai rencontré Jacquie. C’était une amie de ma sœur, et elle venait d’arriver en ville. Elle faisait de la moto et du snowboarding. Nous avons parlé à outrance du voyage et en juin 2008, nous avons commencé à sortir ensemble. J’avais l’intention de partir au mois d’août et, incroyable, après juste quelques semaines ensemble, elle a décidé de venir avec moi. Nous allions faire ce voyage à deux.
Au moment de notre départ, l’automne approchait, alors nous avons décidé de ne pas aller en Alaska et de commencer notre voyage en Floride à la place, puis de descendre au cœur même de l’Amérique centrale et de l’Amérique latine. Après deux semaines de recherches, nous avons trouvé notre moto. “Reginald Garth”, une Road Glide, était à nous.
Nous avons fait un essai le long des Keys avant de retourner chez nos amis à Venice, en Floride, et deux choses se sont avérées : nous dépensions beaucoup trop d’argent et nous étions trop chargés et désorganisés au niveau de nos bagages. Cette fois-ci, c’était pour de vrai, nous partions pour la frontière. C’était le 12 février 2009. Nous avons traversé la frontière du Mexique et nous avons entamé notre voyage vers le sud.
Entre San Blas, à Panama, et Cartagena, en Colombie, il y a un bras d’océan que l’on ne peut pas traverser à moto ! J’avais délibéré pendant plusieurs jours : est-ce que nous allions le traverser en bateau ou faire le tour ? Nous avons choisi l’option du bateau. Ayant reçu des conseils utiles d’autres bikers, j’étais entré en contact avec le capitaine du Stahlratte, un bateau de pêche âgé de 106 ans qui devait faire la traversée. Le capitaine m’a assuré qu’il n’aurait aucun problème à embarquer la moto, il me fallait juste traverser un petit ruisseau, le reste serait un jeu d’enfant.
Nous sommes allés à Carti pour prendre le bateau. Je savais que j’allais avoir du fil à retordre. A 5h00 du matin, les Jeeps sont arrivées à l’hôtel pour emporter les autres passagers et mes bagages. J’ai suivi la première Jeep de Panama City à Chepo. Ce tronçon de route de 40 km menait à la rivière que je devais traverser. Je trépidais d’excitation. Si je laissais tomber la moto, je ne pourrais pas atteindre ma destination, je serais perdu.
C’était une route de graviers, du gravier en vrac, du gravier tassé, du gravier rocailleux, du gravier boueux et à certains endroits uniquement de la boue. L’arrière de la moto balançait de droite à gauche derrière moi, dans la boue, tout en sautillant par-dessus le gravier. Mais avec détermination, un freinage prudent et une bonne appréhension des pentes, je suis enfin arrivé à la rivière.
Ce n’était pas exactement un petit ruisseau. Le niveau d’eau était bien plus haut que ce que l’on m’avait dit et il arrivait jusqu’en haut des roues des mastodontes qui la traversaient. Il atteignait ma selle et le courant était fort. J’ai réfléchi à plusieurs possibilités, y compris charger ma moto sur la fourche d’un JCB et conduire le JCB pour traverser la rivière. Malheureusement, la fourche n’était pas suffisamment large. Le bateau que nous allions prendre ne pouvait pas venir me chercher au bord de la rivière car elle n’était pas suffisamment profonde. Je n’avais qu’une seule option : les Kuna.
Les Indiens Kuna sont un groupe indigène de Panama. Ils sont incroyablement indépendants et ils habitent des îles le long de la côte. Ils ont résisté aux tentations de la vie moderne et continuent de vivre une existence traditionnelle dans leurs communautés insulaires. Il y avait un groupe de huit ou neuf Kuna sur les berges de la rivière et après un peu de marchandage et de bonhomie, ils ont accepté de charger la Harley sur l’un de leur canoë et de pousser ce dernier à pied jusqu’à l’autre rive.
Je n’étais pas trop rassuré en descendant la berge de boue jusqu’à la rivière, à côté de ce canoë, qui était juste un peu plus étroit que la moto. Après beaucoup d’efforts et de soupirs, nous sommes parvenus à charger l’arrière de la moto, puis l’avant, et nous avons ensuite tiré le canoë jusqu’à l’autre rive. Après quelques minutes, nous avons refait la même chose en sens inverse, sur l’autre berge, pour débarquer la moto. J’étais vraiment content.
J’ai ré-enfourché la moto et j’ai suivi la piste de terre battue jusqu’à la rivière suivante, où j’allais prendre un autre bateau, une lancha, jusqu’au Stahlratte. Il a été encore plus difficile d’embarquer ma moto sur ce bateau là. Je me suis légèrement blessé en le faisant mais une fois la moto sécurisée à bord, nous sommes partis vers le Stahlratte. Là, un grand Allemand surnommé “Tachicumba” (le grand homme) a attaché des cordes à la moto et a commencé de manière plutôt spectaculaire à soulever la Road Glide de la lancha pour la mettre sur le bateau de plus grande taille. Maintenant, nous pouvions enfin nous détendre, faire de la plongée en apnée, blaguer et raconter des histoires. J’ai aussi pu refaire usage de mes compétences de barman.